Après avoir vu les aspects toxicité du CO2 et les quantités injectées prévisibles estimées dans notre sous-sol, nous allons aborder les accidents observés sur les quelques expériences portant sur des « stockages géologiques » de CO2. Une étude très complète a été publiée par l’INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques) sous le titre « captage et stockage géologique du CO2 : retour d’expérience et perspectives », rapport d’étude DRS-17-164859-08281A du 30/11/2017, rédacteur Régis FARRET. Nous résumons donc ici succinctement ce rapport de 63 pages sur les accidents observés et rapportés lors du stockage de CO2 afin d’en faciliter la lecture.
Établir une filière CCS sur une usine existante nécessite dans un premier temps d’augmenter les émissions de CO2 (de l’ordre de 30 à 40%), puisqu’il faut ajouter à cette usine des équipements qui consomment de l’énergie pour le captage et le transport jusqu'au lieu de stockage.
Cette filière CCS (carbon capture and storage) fonctionne sous financement public depuis 2007.
Les quantités stockées en plusieurs aquifères portent sur 4 à 5 millions de tonnes de CO2/an (MT/an). Le bilan présenté porte sur une vingtaine d’années.
L’injection de CO2 s’effectue au moyen d’une surpression dans l’aquifère. Théoriquement cette surpression s’atténue peu à peu car le CO2 se dissout dans l’eau par équilibrage naturel. Ce n’est pas le cas si l’on injecte en permanence le CO2 en continu (complément APEVRA).
Le CO2 se trouvant à l’état de fluide supercritique mouille mieux les pores du réservoir que l'eau ou le pétrole (propriété exploitée par l’industrie pétrolière pour extraire plus de pétrole de chaque puits – enhanced oil recovery EOR). Sur un stockage, les débits d’injection sont de 1 à 3 Mt CO2/an (soit 100 kg/s). Il convient de bien distinguer le stockage en aquifère salin de ses homologues en EOR ou en réservoir de gaz naturel déplété (vidé préalablement de son gaz récupérable).
SLEIPNER Norvège en mer du Nord fonctionne depuis 1996, le CO2 est injecté dans l’aquifère de 800 à 1 000 m de profondeur.
SNOHVIT en mer de Barents est actif depuis 2010 et opère à 2 600 m de profondeur en aquifère. En 2014, on n’est pas passé loin d’une fracturation de la roche couverture : surpression de 1 à plusieurs MPa au niveau du toit du réservoir à proximité du puits d’injection. Une partie de cette surpression peut se propager rapidement sur plusieurs dizaines de km.
WEYBURN au Canada injecte 2 à 3 Mt CO2 /an en EOR à 1 500 m de profondeur depuis 2000.
LACQ-ROUSSE en France porte sur un réservoir de gaz naturel déplété à 4 500 m de profondeur. 90 000 t injectées, puis le forage fut rebouché, 2010-2013.
IN SALAH en Algérie opère sur un gisement pétrolier depuis 2005. On y a constaté un soulèvement des terrains pouvant atteindre 5 mm/an et un cumul de 10 à 20 mm sur une zone de 4 km par 5 km. Une fuite de CO2 a été observée sur un ancien puits d’extraction situé à 1,3 km du puits d’injection 2 ans après le début de l’injection.
KETZIN en Allemagne-Brandebourg en aquifère salin depuis 2004 (projet européen) , 50 000 t injectées fin 2011. Site fermé suite au colmatage des pores par des bactéries sulfato-réductrices.
BARENDRECHT aux Pays-Bas : annulation du projet du fait d’une forte opposition de la population et des collectivités locales.
Le projet ADEME en 2010 portant sur les aquifères salins du Bassin de Paris (celui qui nous concerne directement aujourd’hui) est abandonné en 2012 par manque de continuité géologique, d’épaisseur insuffisante des formations géologiques et après identification des conflits d’usage (toutes ces contraintes auraient-elles subitement disparues aujourd’hui ?).
L’INERIS recense les échecs successifs de tous ces stockages et les attribue à :
- Fuite massive à partir d’un puits « blow out » en surface suite à défaillance d’un équipement de puits en exploitation ou opération de maintenance ;
- Fuite le long d’un puits d’injection ou d’un autre puits en exploitation : interface roche-ciment par endommagement des parois lors du forage ;
- Fuite le long d’un puits colmaté ou abandonné ;
- Fuite par une faille ou à travers la roche-couverture ;
- Fuite suite à une migration latérale trop importante ou différente des prévisions (Sleipner) avec risque d’atteindre une faille ou un puits ;
- Perturbations mécaniques ou hydromécaniques dues aux surpressions : soulèvement des terrains, fracturation de la roche, sismicité induite risquant d’apparaître ;
Cette étude de l'INERIS ne porte que sur les fuites de CO2 constatées, il convient d’ajouter les impacts sur les captages d’eau potable : l'acidification des nappes souterraines, la pollution générée par les produits chimiques employés plus ou moins toxiques, comme les amines, au moment du captage du CO2 et que l'on retrouve à l'état de traces dans le CO2, etc…
Le retour d’expérience de cette technologie est donc particulièrement piteux. On constate que les accidents survenus s’expliquent, car l’on n’a jamais ni la précision mécanique, ni les contrôles périodiques d’étanchéité ou d’intégrité d’un réservoir d’acier sous pression, alors que l’on exploite des milliers de km2 de superficie d’un sol totalement inhomogène et faillé. On vous expliquera que quelques capteurs éparpillés par ci par là élimineront tous ces risques, alors qu’entre les capteurs il n’y aura rien pour contrôler quoi que ce soit ! ….
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