Le risque fuites latérales de CO2
Le géostockage terrestre de CO2 consiste à profiter d'une structure poreuse en forme de cloche gigantesque dont l'ouverture inférieure est en contact avec une nappe d'eau plus ou moins saline circulant dans les profondeurs du sous-sol. Naturellement plus cette cloche est profonde et plus la pression de stockage envisageable est élevée : ceci permet de stocker davantage de CO2 sous des centaines de bars.
En l'état, le sous-sol est à peu près stable, surtout dans le Bassin Parisien où aucun séisme important ne s'est produit récemment. Injecter du CO2 oblige à introduire une surpression locale afin de le faire pénétrer dans ces structures poreuses pour se substituer à l'eau qui s'y trouve : ceci génère des instabilités supplémentaires importantes des couches géologiques supérieures dont les porosités ont tendance à s'élargir par cette stimulation hydraulique. Celles-ci se manifestent à différentes distances.
Retour d'expériences des injections
"A Sleipner, l’injection débute en 1996, mais après trois années, on constate une migration du CO2 vers la surface, qui occupe alors une neuvième couche, qui n’a pa s été prévue dans les études. Après 2004, on observe une accélération du processus, avec des volumes importants et dont les limites horizontales ne sont pas bien connues. Néanmoins, on n’a pas détecté aucune fuite de CO2 en surface" [1].
Dans ce cas précis, une information complémentaire est communiquée par l'INERIS : au lieu d’une diffusion isotrope selon un cercle d’environ 1,5 km de diamètre, le panache s'est allongé pour atteindre plus de 4 km de long dans le sens Nord-Sud. Ainsi après 10 ans d’injection, le panache de CO2 s'étendait à 4 km de distance du forage d'injection. Pas de conséquences immédiate dans ce cas particulier, mais sur d’autres sites une migration aussi rapide du CO2 pourrait se retrouver en contact avec d’anciens puits d’exploitation d’hydrocarbures [2] ou de géothermie.
A In Salah en Algérie, une fuite a été constatée le long d’un ancien puits d’extraction d’hydrocarbures, situé à 1,3 km du puits d’injection, qui avait été préalablement reconverti en puits de surveillance. Ce puits a été atteint par le panache de CO2 en 2007, environ deux ans après le début des opérations, 2,5 Mt de CO2 ayant déjà été injectées. Cette fuite peut s'expliquer : soit par une migration latérale supérieure aux prévisions comme l’existence d’un chemin préférentiel au sein du réservoir (zone faillée ou hétérogénéité). Ce chemin préférentiel, qui n’avait pas été détecté lors des campagnes initiales de caractérisation du site, a guidé le panache de CO2 jusqu’au puits d’observation (l’injection d’un gaz traceur a par la suite montré que le cheminement sur 1,3 km s’effectuait en 9 mois); soit que le CO2 ait pu remonter le long de ce puits, probablement mal étanchéifié, lors de sa réalisation ou lors de son abandon. L’exploitation du gisement d’hydrocarbures se poursuit sur ce site, mais les opérations de CCS ont été définitivement arrêtées [2].
A Snøhvit, en mer de Barents, les incertitudes par rapport au comportement prévu du stockage se sont manifestées : une source proche de l’opérateur a indiqué en 2014 (communication personnelle) qu’après une année ou deux d’injection on n’était « pas passé loin » d’une fracturation de la roche-couverture. Il est connu que la surpression peut atteindre des valeurs de l’ordre de 1 à plusieurs MPa au niveau du toit du réservoir à proximité du puits d’injection, une partie de cette augmentation de pression pouvant se propager de manière rapide sur plusieurs dizaines de kilomètres [2].
Financé par l’Ademe en 2010, le projet France-Nord avait pour objectif principal d’identifier dans les aquifères salins profonds du bassin de Paris un site de stockage géologique de CO2 de capacité supérieure à 200 Mt pour permettre 40 ans d’injection. Un objectif secondaire était de tester une méthodologie d’évaluation du potentiel de stockage géologique de CO2 des aquifères. Ce projet était emblématique car il rassemblait la plupart des acteurs industriels en France, de même que des instituts de recherche importants. A la suite de cette phase d’étude, aucun site présentant les capacités requises n’a été identifié. Le projet a été arrêté courant 2012. Le besoin d’une continuité géologique, l’épaisseur insuffisante des formations et l’identification de conflits d’usage sont les raisons principales de ce résultat négatif. Ce résultat est lié aux critères de sélection définis a priori et aux caractéristiques des aquifères étudiés. Aucun forage dédié n’a été réalisé, l’analyse a donc reposé uniquement sur les données déjà disponibles sur le Bassin Parisien"[2].
Conséquences possibles pour le projet de Grandpuits.
Les fuites de CO2 générées par des failles ou des fissures se dissiperont probablement dans l'air sur un sol horizontal, par contre si elles se produisent dans des poches ou sur des forages pétroliers ou géothermiques en atmosphère confiné alors le CO2 s'accumulera localement pour atteindre des concentrations critiques.
____________________________